Depuis son lancement à l’automne dernier, ChatGPT est loin de faire l’unanimité. Si pour certains, il éveille la curiosité en raison de son immense potentiel, pour d’autres, il est plutôt source d’inquiétude et de préoccupations. C’est pourquoi le Cégep de Saint-Jérôme a tenu une demi-journée de réflexion collective sur les robots conversationnels et à l’intelligence artificielle, le 15 mars dernier. Le but de l’opération : mieux comprendre ces outils, découvrir les opportunités qu’ils nous offrent et prendre connaissance de leurs limites.
Quelque 200 personnes ont répondu à l’invitation lancée par le Collège, dans ses trois campus. Parmi la foule, des membres du personnel du CSTJ, des étudiants et des étudiantes, mais aussi des personnes issues du grand public. Comme quoi les questions entourant le « phénomène ChatGPT » dépassent largement les murs du cégep.
Au CSTJ, les avancées fulgurantes des robots conversationnels et de l’intelligence artificielle nous impactent de plusieurs façons, d’abord comme établissement d’enseignement supérieur, mais aussi comme employeur, comme travailleur ou comme pédagogue ou encore, comme étudiant ou étudiante. Ces innovations technologiques influencent aussi comment notre société – et les individus qui la composent – évoluent. Il s’agit d’une véritable petite révolution qui se joue sur plusieurs fronts. C’est pourquoi nous estimons que cet exercice de co-construction, d’exploration et de réflexion que nous entamons aujourd’hui doit se faire en compagnie de nos partenaires et de notre collectivité. Plutôt que de nous braquer, nous voulons voir comment nous pouvons embrasser ce changement.
– Nadine Le Gal, directrice générale du Cégep de Saint-Jérôme
Apprivoiser la bête
Édouard Morrissette, technopédagogue au Co-Lab du Cégep de Saint-Jérôme, a donné le coup d’envoi à l’activité en présentant le logiciel ChatGPT, puis la parole a été cédée aux panélistes réunis pour l’occasion. Tout à tour, François Simard, enseignant en éducation spécialisée au CSTJ, Ariane Grenier-Paquette, conseillère d’orientation et aide pédagogique individuelle au Centre collégial de Mont-Tremblant, Florence Sedaminou Muratet, chargée de projet – conseillère en pédagogie numérique et créatrice de contenu chez Collecto et Julien Martineau, conseiller pédagogique à l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec nous ont partagé leur expérience et leurs réflexions.
Les discussions se sont articulées autour de trois thèmes principaux, soit l’usage de ChatGPT dans les sphères personnelles et professionnelles, les enjeux que ce logiciel soulève en éducation et finalement, les enjeux sociaux et éthiques au sens large du terme. Les échanges ont permis de constater que l’outil permet bien souvent de se dégager de certaines tâches techniques sans réelle valeur ajoutée, comme dresser la liste d’épicerie, inventer des recettes (parfois désastreuses, selon l’avis de nos spécialistes!) ou encore, la rédaction de courriels. Ce gain en efficacité permet donc de gagner du temps qui pourra ensuite être investi dans d’autres activités plus significatives et porteuses.
Plutôt que de voir ChatGPT comme un « raccourci » pour arriver à ses fins en obtenant une réponse tsans trop d’efforts, voyons-le plutôt comme un moyen d’initier une démarche permettant à l’humain de pousser plus loin sa curiosité et sa réflexion.
Ça nous ramène à la question : c’est quoi apprendre?
– Julien Martineau
Une question philosophique, mais centrale pour déterminer le rôle du personnel enseignant… et les besoins de la communauté étudiante.
Il y a un changement de paradigme : 80 % des métiers de 2030 n’existent pas encore. Comment voulons-nous faire évoluer la personne étudiante dans son apprentissage [pour faire face à cette nouvelle réalité]? Quelles sont les compétences que j’évalue? Pour qui? Pourquoi? Comme personnes enseignantes, nous devons nous repositionner comme facilitateur ou facilitatrice à l’apprentissage.
– Florence Sedaminou Muratet, mentionnant au passage qu’on ne pouvait pas « aller à l’encontre de ce quoi se fait partout ».
Pour sa part, M. Simard a fait valoir que l’outil – sans être fondamentalement bon ou mauvais – fera simplement ressortir les traits de chacun par l’utilisation qu’il ou elle en fera, tout comme l’ont fait la calculatrice ou encore du logiciel Antidote par le passé.
Quelques consensus se sont dessinés tout au long des échanges : la nécessité de se recentrer sur les valeurs centrales de l’éducation et le besoin d’accompagner notre communauté – qu’il s’agisse de personnes étudiantes ou issues de notre personnel – dans cette transformation de ses pratiques.
Oui, ChatGPT va transformer la manière dont on évalue nos étudiants et étudiantes. Toutefois, il y a des choses qui ne changeront pas : c’est toujours le prof qui va procéder à l’évaluation, et non l’intelligence artificielle. L’enseignement, c’est d’abord et avant tout un rapport de communication, un rapport humain.
– Julien Martineau.
Le début d’une longue réflexion
Loin de répondre à toutes les questions qui fusent lorsqu’on aborde le « phénomène ChatGPT », cette activité aura toutefois permis de lancer le débat en tenant compte des préoccupations et réalités de chacun.
Notre réflexion sur le rôle à donner à ChatGPT et autres prototypes du genre est loin d’être terminée. Il s’agit du premier jalon d’un processus itératif qui évoluera au fil des avancées technologiques, mais aussi de l’état de nos connaissances sur ces technologies et les enjeux qu’ils soulèvent. Notre volonté, c’est de mettre en place une communauté de pratique, afin de nous inspirer et de développer les meilleurs réflexes quant à l’usage des robots conversationnels et de l’intelligence artificielle. On verra alors si nous devons revoir nos façons de faire, adopter de nouvelles mesures ou encore, procéder à la révision de certaines politiques pour baliser tout cela.
Nadine Le Gal, directrice générale du Cégep de Saint-Jérôme