Michel Lambert, historien, auteur, chef et ancien aubergiste, travaille depuis plus de 15 ans à faire découvrir la richesse de la bouffe d’ici.
(Crédit photo : CSTJ – Daphnée Tranchemontagne)
Michel Lambert visite les étudiants en TGER au CSTJ
Pour plusieurs, la cuisine patrimoniale québécoise se limite aux sempiternels ragoûts, tourtières et autres classiques de la cabane à sucre. Pourtant, rien ne saurait être plus faux! Parlez-en à Michel Lambert, historien et auteur, qui – depuis plus de 15 ans – travaille à faire découvrir la richesse de la bouffe d’ici. De passage au Cégep de Saint-Jérôme (CSTJ) – seul établissement d’enseignement à proposer une initiation à la cuisine patrimoniale –, il a rencontré les étudiants en Techniques en gestion d’un établissement en restauration (TGER) pour les entretenir de notre héritage gastronomique, le 23 septembre dernier.
Qu’est-ce qui fait l’identité d’une cuisine? Existe-t-il une cuisine typiquement québécoise? Si oui, est-elle ancienne ou récente? Comment se fait-il qu’on en sache si peu sur ce pan de notre histoire? Autant de questions ont guidé les recherches de M. Lambert, qui est parti à la découverte des origines de notre alimentation. Son constat? Notre gastronomie est tout sauf plate : elle est riche, métissée et surprenante! Pas étonnant, si on considère que ça fait plus de 12 000 ans qu’on cuisine au Québec.
« Toutes les cuisines du monde résultent de la rencontre entre la nature et la culture. C’est ce qui crée une identité », résume M. Lambert, qui a lancé avec le chef Guillaume Cantin la certification « Cuisine patrimoniale du Québec ».
La nôtre est un amalgame d’influences autochtones, françaises et anglaises (et de celle de leurs ancêtres!). Si les Amérindiens nous ont légué le goût du poisson, du gibier, du maïs, des courges et des légumineuses, les Français, eux, nous ont transmis leur amour des épices (et plus particulièrement du sel!), des produits laitiers et de la verdure. Notre dent sucrée, quant à elle, on la doit aux Britanniques, reconnus pour leurs desserts!
La cuisine, le reflet d’une culture
Plus qu’une simple anecdote, ce voyage historique dans le garde-manger québécois nous permet de mieux comprendre nos comportements alimentaires.
« L’histoire de la cuisine nous amène à réfléchir sur ce qu’on est, sur ce qu’on veut et sur vers quoi on s’en va. Mes recherches sont en fait une réflexion sur nos choix de vie. Aujourd’hui, on se laisse envahir par les influences des quatre coins du monde, mais on a tendance à oublier qui nous sommes, d’où nous venons et ce qui nous entoure », plaide M. Lambert, citant au passage l’exemple des Amérindiens qui consomment de la viande et du poisson crus depuis l’an 800, soit bien avant que les sushis et le tartare ne soient à la mode.
D’ailleurs, il estime que les restaurateurs sont investis d’un devoir de mémoire : leur mission est de transmettre notre patrimoine culinaire, afin que celui-ci ne sombre pas dans l’oubli.
« [Quand on est dans la restauration, il est primordial d’avoir une] connaissance de son milieu et de sa clientèle pour réussir. On ne peut pas se contenter d’offrir quelque chose sur lequel on tripe . Il faut être en relation avec des personnes : tenir compte de qui elles sont, d’où elles viennent et de leurs préférences. D’où l’importance de connaître notre histoire et nos origines!
« Comme n’importe quel entrepreneur, on a un rôle d’éducateur. Notre job est d’amener les gens quelque part. Tu veux leur faire goûter de la bouffe pour leur faire découvrir quelque chose, ne serait-ce que leur propre culture! On fait plein d’affaires qui viennent d’ailleurs, mais notre cuisine, on ne la connaît plus », déplore l’ancien aubergiste.
L’histoire au service du succès
Cette responsabilité de perpétuer notre histoire, loin d’être une contrainte, constitue un moyen efficace de se démarquer dans une industrie, où la compétition est féroce. Il cite d’ailleurs en exemple sa propre expérience.
« Moi, j’ai décidé que les gens viendraient chez nous [NDLR : à son auberge], justement parce que mon établissement était loin et petit! J’ai compris que j’irais les chercher en leur offrant quelque chose d’unique. Comme personne ne faisait de la cuisine environnementale – c’est-à-dire inspirée par la région, les plantes sauvages et l’héritage amérindien – je me suis démarqué. J’ai transformé mes défauts en qualité », illustre M. Lambert, ancien propriétaire de La Maison de la rivière.
C’est d’ailleurs cette approche respectueuse de notre patrimoine culinaire qui est mise de l’avant dans le cadre du programme TGER du CSTJ.
À propos de TGER
Le programme Techniques en gestion d’un établissement en restauration (TGER) du Cégep de Saint-Jérôme offre une formation axée sur le développement des compétences nécessaires à la gestion et au succès d’entreprises de services alimentaires. Son approche met de l’avant la pratique d’une cuisine du marché où produits locaux et patrimoine québécois sont à l’honneur. Son restaurant pédagogique Neurones et papilles – où œuvre le chef Jean-Régis Graziano, détenteur de la certification « Cuisine patrimoniale du Québec » –, est le seul établissement du genre à proposer des plats certifiés patrimoniaux.
Pour en savoir plus : https://www.cstj.qc.ca/TGER