Annie O’Bomsawin-Bégin, enseignante au Département de philosophie du Cégep de Saint-Jérôme, faisait partie d’un panel de spécialistes invités au Congrès annuel de la Société de philosophie du Québec (SPQ), tenu du 25 au 29 mai, entre les murs de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR). Lors d’une table ronde, cette dernière a présenté aux congressistes les fruits de sa recherche de maîtrise : Identité, traditions et questions de genre : le cas des peuples autochtones au Canada.
L’événement s’inscrivait au coeur de la programmation du 83e Congrès de l’Association francophone pour le savoir – l’Acfas, la plus importante rencontre scientifique multidisciplinaire de toute la Francophonie.
L’enseignante du CSTJ s’est prévalue de la tribune qui lui était offerte à cette occasion pour braquer les projecteurs et ainsi contribuer à l’éducation populaire sur le sujet chaud des enjeux philosophiques qui touchent les populations autochtones du Canada. Un sujet d’ailleurs devenu brûlant une semaine plus tard, lorsque la Commission de vérité et réconciliation du Canada – qui s’est intéressée aux pensionnats autochtones – a rendu son rapport public.
En offrant un aperçu de la réalité et des conditions de vie de ce peuple, l’intervention de Mme O’Bomsawin-Bégin lors de journée d’ouverture (25 mai) aura certainement enrichi les connaissances des participants et affiné leur regard critique en la matière. Celle-ci a d’ailleurs donné le coup d’envoi aux échanges de la table ronde en entonnant un chant de bienvenue en Abénaki, rythmé au son de son tambour traditionnel. Un clin d’oeil à la culture riche et vivante de la communauté amérindienne dont elle est membre.
Si vous souhaitez vous aussi l’entendre sur le sujet, il est possible d’écouter l’entrevue qu’elle a accordée à l’émission Simplement humain, sur les ondes radiophoniques de CIBL. Disponible en baladodiffusion, l’entrevue s’ouvre à la 9e minute avec une prestation de son chant de bienvenue.
Enfin, à lire dans les pages de la dernière édition de la revue « Liberté » (Numéro 308, été 2015), un article signé par sa directrice de mémoire, Mme Ryoa Chung, auquel elle a contribué.
Le Cégep de Saint-Jérôme est fier de l’implication de son corps professoral dans l’accroissement du savoir et l’avancement de la science dans une multitude de disciplines!
RÉSUMÉ DU PROPOS
Identité, traditions et questions de genre : le cas des peuples autochtones au Canada
Après quelques siècles de colonisation où les peuples autochtones du Canada ont été dépossédés de leurs terres, de leurs traditions, marginalisés et assimilés, c’est au début des années ’70 que le mouvement de contestation autochtone pancanadien prend forme et exerce une pression suffisante sur les autorités pour que l’on puisse dire qu’une transformation réelle dans les relations entre les peuples autochtones et le peuple canadien soit en marche. Les leaders autochtones, qu’ils soient politiciens, militants ou intellectuels cherchent alors à développer des projets qui visent la décolonisation et qui revalorisent les cultures traditionnelles.
C’est dans la même période historique que le mouvement orchestré par et pour les femmes autochtones prend de l’ampleur. Un des enjeux les plus criants à ce moment était le fait que par la Loi sur les Indiens, plusieurs femmes avaient perdu leur statut parce qu’elles s’étaient mariées avec des allochtones (personnes d’origine étrangère). Elles et leur famille perdaient alors le droit de vivre en communauté et n’étaient plus identifiées comme autochtones. Notamment en raison de cet aspect de la Loi, les femmes autochtones en ont dénoncé le caractère patriarcal et après plusieurs batailles juridiques, le Canada a amendé la Loi sur les Indiens en 1985. Or, l’association autochtone la plus importante au Canada à cette époque, the National Indian Brotherhood s’y est opposée arguant que la valeur de l’égalité n’était pas une valeur traditionnelle autochtone. De surcroit, on a accusé ces militantes d’être féministes et donc de participer à la culture coloniale.
Cette opposition entre, d’une part, préserver les cultures traditionnelles dans un contexte de colonisation et d’injustices historiques et d’autre part, questionner les rapports de genre pour améliorer les conditions de vie des femmes autochtones est donc au cœur des discussions soulevées par les intellectuelles et féministes autochtones.
Mme O’Bomsawin-Bégin explique d’où vient cette opposition, qui n’est peut-être pas si insurmontable et pourquoi, comme le défendent notamment les intellectuelles Joyce Green, Emma Larocque et Fay Blaney, un féminisme autochtone est pertinent et même nécessaire pour l’avenir des nations autochtones du Canada.